Par Marwane
Ben Yahmed
Filiation
douteuse, diplômes truqués, malversations, instigation d'assassinats... Dans
son dernier livre, Pierre péan fait d'Ali Bongo Ondimba le diable en personne.
Mais l'outrance est parfois mauvaise conseillère.
Quelle mouche a donc piqué Pierre Péan ?
L'écrivain-journaliste français, 76 ans, trente-trois ouvrages, souvent à
succès, au compteur, crée encore la polémique avec Nouvelles
Affaires africaines. Mensonges et Pillages au Gabon, sorti chez
Fayard le 29 octobre. Deux cent cinquante pages au vitriol, quasi
exclusivement consacrées à Ali Bongo Ondimba (ABO), fils de feu Omar - qui
inspirait à Péan une fascination certaine.
À en croire l'auteur, l'actuel chef de l'État est le
diable en personne... Il ne serait pas gabonais et n'aimerait guère ses
concitoyens, lui, le Biafrais adopté par Omar parce que l'épouse de celui-ci,
Joséphine Kama - alias Patience Dabany -, aurait été stérile (Péan ne dit mot
de sa soeur disparue, Amissa, dont on se demande alors comment elle a pu naître
"normalement").
Il ne serait pas titulaire d'un doctorat en droit
public de l'université Panthéon-Sorbonne, n'aurait pas été élu en 2009 (Péan a
pourtant affirmé l'inverse, en 2011, à la télévision gabonaise : "[Son]
élection est remarquable car il n'y a pas eu bourrage des urnes ou triches, ce
qui est assez exceptionnel dans la région"), serait un voleur entouré
d'une "légion étrangère" mafieuse, et même un assassin.
Pour couronner le tout, le chef de l'État serait un
adepte du vaudou et un homme aux moeurs douteuses.
Ses victimes supposées : Georges Rawiri, l'ancien
président du Sénat, empoisonné, et Jean-Pierre Lemboumba, cible d'une tentative
de meurtre mais aujourd'hui conseiller d'ABO (une "victime", donc,
frappée d'amnésie ou vraiment pas rancunière). Pour couronner le tout, le chef
de l'État serait un adepte du vaudou et un homme aux moeurs douteuses.
La dérive du journaliste devenu pamphlétaire
Ce livre, mal édité (trop vite en tout cas) et mal
écrit (Péan n'a jamais brillé en la matière), illustre la dérive d'un
journaliste qui s'est mué en pamphlétaire sans jamais le reconnaître. Voilà
près de dix ans que Péan n'est plus Péan. Depuis Noires Fureurs, blancs
menteurs (2005), consacré au Rwanda de 1990-1994, puis avec Le Monde
selon K. (2009), sur Bernard Kouchner, ou Carnages. Les Guerres
secrètes des grandes puissances en Afrique (2010), il s'attaque ad nauseam
à tous ceux qui, selon lui, tels Kagamé ou ABO, s'en prennent à la France, à
ses intérêts ou à son armée. Avec des relents de nationalisme cocardier,
d'antiaméricanisme primaire et la conviction que la CIA trame avec le Mossad un
vaste complot mondial.
Outre le fait que son récit est truffé
d'inexactitudes, voire d'erreurs historiques (notamment quand il explique qu'il
ne se passait rien à Brazzaville en 1959, alors que Laris et Mbochis
s'affrontaient violemment sous les ordres de Fulbert Youlou et de Jacques
Opangault), le vrai problème concerne son "enquête", celle d'un procureur
qui ne se rend même plus sur les lieux évoqués.
Ses "sources" ? La rumeur, le fameux
kongossa gabonais, qu'il transforme sans sourciller en vérité, les journaux
d'opposition cités à l'envi, une pléthore d'anonymes, et les ennemis d'ABO.
Jamais il n'a tenté de vérifier ses "informations" auprès des
intéressés. Pis, il fait parler des morts - Omar Bongo, Jacques Foccart,
Maurice Delaunay - qui ne le contrediront évidemment jamais.
Plainte en diffamation
Dernière ombre au tableau : le contrat envoyé par le
sulfureux homme d'affaires franco-libanais Ziad Takieddine au Palais du bord de
mer proposant, moyennant plus de 10 millions d'euros, de surseoir à la
parution dudit ouvrage. Si Péan nie être à l'origine de la manoeuvre, il s'est
montré pour le moins imprudent en demandant à plusieurs reprises, entre janvier
et mars 2014, à Alain-Claude Bilie-By-Nze, porte-parole d'ABO, de recruter
l'un de ses amis, Jean-Louis Gros.
Bizarre, compte tenu de l'idée qu'il se fait du Gabon
d'Ali. Et troublant, quand on sait que l'article 4 du contrat proposé par
Takieddine comporte une clause visant à "procéder au règlement immédiat du
contentieux en suspens portant sur des engagements existant entre [la
présidence] et la personne qui lui a été désignée par M. Pierre Péan".
Serait-il ici question de Jean-Louis Gros et de son recrutement ?
Pour l'ensemble de cette "oeuvre", Péan a rendez-vous avec la
justice : une plainte en diffamation a été déposée le
7 novembre, pour le compte d'ABO, devant le tribunal de grande instance de
Paris.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Votre commentaire ici