Diffusé jeudi 6 juillet dernier, le documentaire de la
chaîne publique française a rappelé au monde entier que le vrai frein au
développement politique, économique et social du Gabon réside dans la
recherche et la protection des intérêts de la classe politique française
et finalement de la France.
Jeudi 6 juillet dernier, France 2 a diffusé un documentaire
consacré à Ali Bongo. Naïvement, une bonne partie de l’opinion publique
nationale croyait y apprendre des choses. Elle a, finalement, eu droit à
un ramassis de poncifs, truismes et lieux communs. Sur certains
aspects, il a même fait dans un conformisme sidérant, voire un
révisionnisme consternant, légitimant la réécriture de l’histoire. N’en
déplaise aux gogos de tous bords, ce portait n’a servi les intérêts de
personne : ni Ali Bongo, ni le peuple gabonais ni la France n’y ont
gagné.
Révolte et colère
Volens nolens, ce documentaire a montré le vrai visage de la France.
Implicitement, il a mis en lumière son rôle néfaste dans la confiscation
du destin du peuple gabonais. Sans avoir le courage de l’exprimer
clairement, il a rappelé au monde entier où se trouve le vrai frein au
développement politique, économique et social du Gabon : dans la
recherche et la protection des intérêts de la classe politique française
et, finalement, de la France. Certains pourront toujours invoquer la
liberté de presse. Plus précisément, ils pourront se réfugier derrière
la souveraineté des choix éditoriaux. D’autres pourront alléguer du
caractère voulu et accepté de ce reportage. Mais, chacun se souviendra
du documentaire de Patrick Benquet. Produit en 2012 sur le thème de la
Françafrique, il n’eut aucune conséquence sur la gouvernance au Gabon ou
les relations France-Gabon. Sur ce fondement, le documentaire de France 2 suscite révolte et colère.
En évoquant, avec une rare légèreté, l’influence de la France, ce
documentaire a montré le peu d’intérêt de ces producteurs pour la
destinée du peuple gabonais. Manifestement, ils n’avaient pas à cœur
d’inviter leur pays à renouveler son logiciel. Ils avaient plutôt
l’intention de tourner Ali Bongo en bourrique. Leur objectif n’était pas
d’assainir les relations France-Gabon mais de se gausser du Gabon et
de ses institutions. Naturellement, le peuple gabonais leur importe peu.
Ils auraient voulu jouer les humoristes de mauvais goût, ils ne s’y
seraient pas pris autrement. En montrant un cliché d’Ali Bongo,
légèrement vêtu au milieu d’enfants emmitouflés, en évoquant son
adoubement par Nicolas Sarkozy sans se poser des questions, en mettant
en vedette Robert Bourgi, en enjambant la présidentielle de 2009, les
producteurs de ce documentaire ont étalé tout leur cynisme. Ils
pensaient mettre en cause le cursus scolaire d’Ali Bongo, ils ont plutôt
versé un nouveau témoignage au débat sur sa filiation. Quand Léon-Paul
Ngoulakia dit avoir rencontré Ali Bongo pour la première fois en 1968
(lire «Les doutes de Léon-Paul Ngoulakia»), eux attestent de sa présence à Ales en 1965.
Demander des comptes
Certes, ce documentaire n’a pas la prétention d’être un œuvre
historique à portée scientifique. Mais, il faut dénoncer et combattre la
légèreté avec laquelle il a été mené. Vis-à-vis de la France, de sa
classe politique, de ses médias et plus largement de ses élites, nous
devons nous montrer plus exigeants. Sur Omar Bongo par exemple, ce
documentaire a été d’une complaisance affligeante. Sans s’en offusquer,
il s’est contenté de relater ses initiatives en vue de faire le lit à
Ali Bongo pour une éventuelle succession. Sur l’attachement des
dirigeants français aux droits de l’homme et principes démocratiques, il
s’est montré prudent voire lâche. Jamais, il n’a osé demander des
suites judiciaires à toutes les opérations de corruption évoquées par
Robert Bourgi. À aucun moment, il ne s’est interrogé sur les garanties
de non-répétition ou les réparations dues au peuple gabonais.
Finalement, il n’a nullement servi la cause de la démocratie et des
supposées valeurs françaises.
Média public, propriété de l’Etat français, France 2 n’est
nullement sorti grandi de ce documentaire. À ceux qui en doutaient
encore, il a apporté une preuve supplémentaire de ce que, dans l’esprit
de bon nombre de Français, ce qui est bon pour eux ne l’est pas pour les
Africains. L’attachement aux fameux intérêts de la France, l’absence
d’indignation face au rôle trouble de leur pays, le peu de référence au
destin du peuple gabonais, l’omniprésence de personnages sulfureux du
type Robert Bourgi ou Antoine Glaser sont éloquents à souhait. Devant de
telles grossièretés, le Gabonais lambda ne saurait se taire.
Aujourd’hui plus qu’hier, il faut demander des comptes à la France et à
ses élites. Il faut éviter de donner à des initiatives comme ce
documentaire un retentissement immérité. À cet égard, une seule
solution : exiger de la France qu’elle assume sa responsabilité et
répare les torts causés au peuple gabonais.
Publié par: Roxane Bouenguidi
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